Zone à Faible Emission (ZFE) : contribution du groupe des élu.es à la métropole

Contribution du groupe MECTS sur la consultation ouverte à propos de la Zone à Faible Émission (ZFE)  par Toulouse Métropole

Toulouse est en retard et  manque d’ambition

La pollution tue. C’est la deuxième cause de mortalité. Cela représente 47 000 morts  par an en France (environ 40 000 liés aux PM 2,5 et 7 000 liés au NO2)(1) et, ramené à notre territoire, cela représente environ 400 morts par an. Ces chiffres ont même été aggravés par des études récentes qui parlent de 100 000 morts par an. C’est un sujet de santé et de sécurité publique majeur.

Que faisons-nous pour faire baisser significativement cette mortalité ?

Nous avons déjà identifié pas mal de polluants (NOX, particules fines PM10 et PM 2,5…)(2) mais nous devons déjà anticiper dès aujourd’hui la prise en compte de nouveaux polluants, comme ceux que l’ATMO a intégrés récemment:  les particules ultra-fines.

On voit aussi l’impact  de ces particules sur l’exposition de notre population, qui est bien au-delà même des 8 000 habitants évoqués pour les autres polluants, mais bien 116 000, ce qui est énorme en termes d’exposition au-delà des seuils pour la santé. 

Mais on sait déjà, et plusieurs organismes le démontrent au niveau européen, que nous avons d’autres polluants, que nous n’avons pas encore analysés. Les véhicules en soi sont un sujet de pollution de l’air, via les pneus et les freins. 

Cette ZFE est importante bien sûr pour améliorer la qualité de l’air, mais aussi pour lutter contre le dérèglement climatique, puisque toutes les études montrent que les courbes de pollution et d’émission de gaz à effet de serre sont très liées.

Toulouse Métropole a pris du retard par rapport à ses engagements. Nous ne pouvons que regretter que la majorité ait attendu la pression, l’obligation, les condamnations, qu’elles soient au niveau européen ou au niveau national, pour agir. Là où nous aurions pu, comme d’autres, déjà anticiper et agir dans le précédent mandat.

Un périmètre de la ZFE plus ambitieux pour être plus efficace

Alors l’ambition, quelle est-elle ? 

On peut se réjouir en effet que le scénario retenu soit le plus ambitieux parmi les trois qui ont été étudiés. C’est un élément positif mais, pour le reste, est-ce que nous sommes ambitieux sur la date d’engagement de cette ZFE ? Non puisque nous sommes en retard par rapport à d’autres métropoles : Paris a engagé une ZFE dès 2015, Grenoble dès 2017, Strasbourg dès 2018, Lyon dès 2019. Nous sommes déjà en retard par rapport à bien d’autres métropoles. 

Est-ce que nous sommes ambitieux en termes de périmètre ? Non puisque notre périmètre est réduit, notamment par le fait que nous avons du retard sur le développement des transports en commun en ne prenant en compte que la ville centre, une partie de Tournefeuille et une rue de Colomiers. D’autres métropoles ont fait le choix de prendre des périmètres ambitieux de l’ensemble de leur métropole. C’est le cas de Grenoble et ses 27 communes, ou de Paris et des 48 communes environnantes. Or, toutes les études le montrent, un des leviers de l’efficacité de nos ZFE c’est le fait d’avoir un périmètre large.

Nous préconisons donc d’élargir le périmètre de la ZFE en incluant tout ou partie des communes de la métropole pour que ce dispositif puisse réellement être efficace.

A minima il semble essentiel d’envisager différents scénarios d’extension de la ZFE à différentes échéances temporelles 2025-2030-2050, afin de couvrir, in fine, la plupart des communes de Toulouse Métropole.

Un horizon à définir : la sortie du diesel et du fossile

Pour qu’une ZFE soit efficace, il faut que la première marche se fasse le plus vite possible, or il est proposé d’attendre 3 ans pour réaliser cette marche ambitieuse, puis d’avoir un horizon qui permette une dernière marche qui supprime le diesel sinon l’écosystème ne va pas réagir. Même si l’échéance est lointaine, il faut afficher la fin du diesel pour changer les pratiques. La durée de vie d’un véhicule professionnel est de 8 ans et celle d’un particulier est de 15 ans. Il faut donc anticiper les changements de motorisation ou de véhicules en donnant un cap clair. Il faut donner une orientation politique lisible pour l’ensemble des citoyennes et citoyens concernés par cette future ZFE.

Est-ce que nous sommes ambitieux en termes d’horizon ? Non, puisque d’abord, cette ZFE s’inscrit à une échelle courte de quatre ans, 2021-2024, là où d’autres métropoles ont pris des horizons beaucoup plus longs dans le temps de 10 ans, de 15 ans, et avec des objectifs  beaucoup plus ambitieux, qui allaient jusqu’à la sortie du diesel ou la sortie de l’essence. C’est le cas de Paris qui prévoit la sortie du diesel en 2025 et de l’essence en 2030. C’est le cas de Grenoble qui prévoit la sortie du diesel pour les poids lourds en 2025 et pour le reste en 2030. C’est le cas de Strasbourg qui prévoit la sortie du diesel en 2025 pour la ville centre, et pour le reste de leur métropole en 2030.

Nous préconisons que la ZFE s’inscrive dans un temps plus long de sortie du diesel en 2026 et de sortie du fossile en 2030.

Des alternatives à la voiture individuelle à développer : un plan Mobilités à revoir, des aides à développer

Est-ce que nous sommes ambitieux en termes d’alternative à la voiture individuelle ? Non puisque la majorité actuelle à Toulouse Métropole a décidé de maintenir le Plan Mobilité actuel (3), qui avait déjà démontré le fait qu’il prévoyait une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de 9 %, une augmentation du trafic routier de 12 %, ce qui est absolument contradictoire avec les objectifs affichés de notre ZFE. De plus, il s’agit d’un Plan Mobilité à 2030, dont l’essentiel des alternatives à la voiture individuelle sont constituées par la troisième ligne de métro, dont maintenant nous savons qu’elle sera livrée au mieux en 2028 ; voire probablement en  2030, soit bien au-delà de 2024 qui est un horizon où la ZFE s’appliquera pour beaucoup de véhicules.

Autour de la question du changement de mobilité des alternatives à la voiture, il faut bien évidemment revoir le Plan mobilité et nous avons déjà formulé nos propositions, dont les principales sont :

  • un grand plan de Lineo en sites propres avec davantage de cadencement et d’amplitudes horaires,
  • un grand plan vélo, avec un grand projet urbain par faubourg et a minima 50 millions d’euros par an pour avoir un effet de levier sur les déplacements,
  • travailler sur le RER métropolitain.

C’est complètement contradictoire de ne promettre des évolutions de l’offre de transport que dans dix ans quand on contraint, d’ici quatre ans, à  devoir laisser sa voiture. Une partie de la solution se situe au niveau des offres d’abonnements : la prise en charge de l’abonnement aux transports en commun, de l’abonnement vélo, de l’autopartage, pour accompagner les changements de pratiques de mobilités, dans un objectif d’avoir moins de voitures. En effet, il ne suffit pas de dire qu’on parie sur le tout-voiture électrique qui pose bien des questions notamment sur la pollution des voitures par les pneus et les freins, qui sont un vrai sujet aujourd’hui.

Les contraintes liées à la ZFE seront fortes à la fois pour les habitantes et habitants des villes concernées mais également pour l’ensemble des  personnes résidant dans  la grande aire urbaine toulousaine. Dans cette perspective, il est essentiel d’envisager l’intermodalité sous un nouveau prisme pour s’adapter à cette ZFE. 

Nous proposons de réaliser un schéma d’implantation d’espaces multimodaux (parkings, services vélo, covoiturage, arrêt de bus) le long des lignes de bus structurantes de l’aire d’influence de Tisséo. Ces espaces permettront de compenser l’inaccessibilité des principaux parkings Tisséo situés à l’intérieur de la ZFE et de répartir sur le territoire les zones d’échanges (Bus / Vélo / Voitures). 

Toujours afin de limiter le nombre de voitures individuelles, nous proposons de promouvoir les actions de covoiturage à la fois par une communication dédiée mais également par la création d’une voie dédiée sur les voiries structurantes de l’agglomération. 

Enfin, il n’y a rien sur l’aspect de transition énergétique locale, c’est-à-dire comment on organise nous-mêmes un circuit de distribution énergétique pour de l’électricité verte et du biogaz.

Voici comment pourraient se penser les aides : 

  • Aides à l’achat ou  changement de moteur et vélos cargos : faire en sorte que ces aides puissent se cumuler avec les aides de l’Etat et que cela soit neutre pour l’acquéreur ou transiteur entre gaz, électrique ou hydrogène ;
  • Accompagner le report modal : offrir des abonnements de transports en commun, de locations de vélos ou encore des abonnements à l’autopartage pour faciliter l’abandon de véhicules.

Au lieu de voir la ZFE comme une contrainte, nous pourrions en faire une opportunité, l’opportunité d’un projet de territoire avec un horizon et des objectifs qui lient à la fois les questions de mobilité et d’énergie. 

Un schéma de production et de distribution d’énergie verte pour faire de la ZFE un projet de territoire

Si on veut réellement que l’ensemble des acteurs économiques et de la population prévoie une évolution des mobilités à tous points de vue, que ce soit dans les alternatives à la voiture ou de la voiture quand on n’a pas le choix, il faut qu’on puisse voir vers où on se situe, avec 2024 comme horizon. Sans ces objectifs de sortie diesel et fossile, on ne peut pas réellement transformer les mobilités.

Nous demandons aussi l’arrêt de l’urbanisation sur les corridors exposés qui dépassent les seuils de pollution : zéro construction nouvelle.

Et ce qui manque cruellement, c’est un schéma de distribution et de production d’énergie avec maîtrise publique locale, qui nous permettrait de développer de l’électricité verte locale et du biogaz

Cela mettrait en mobilisation tous les acteurs des énergies renouvelables sur notre territoire pour l’électricité verte, et nous pourrions poursuivre un développement de production de biogaz, comme c’est déjà engagé pour notre usine d’eaux usées. Cela pourrait aussi être le cas demain notamment sur une partie des déchets organiques.

Il faut donc engager un déploiement de bornes électriques en imposant électricité verte et créer un ravitaillement gaz en choisissant le biogaz. 

Aujourd’hui, les poids lourds et véhicules utilitaires représentent 50% des émissions de polluants et le plus de kilomètres parcourus. 

C’est pourquoi il faut aussi prévoir l’organisation d’un centre de distribution urbain pour les livraisons du dernier kilomètre, pour faire en sorte que tous ceux qui font des livraisons aujourd’hui ne soient pas obligés de les gérer eux-mêmes mais fassent appel à des professionnels. Voilà ce qu’ont mis en place d’autres agglomérations.

Il faudrait envisager un centre de distribution urbain pour l’alimentaire et un pour le reste : avec des livraisons par un professionnel (aujourd’hui 1 livraison sur 2 n’est pas faite par des professionnels), ainsi que des stations service gaz et électrique créées. 

L’enjeu, c’est aussi le bilan carbone de notre ZFE à travers ces dernières propositions. 

La ZFE : contrainte ou opportunité ?

Nous voyons donc que la ZFE, peut être  une contrainte, voire occasionner des problèmes, et  ce  risque est grand si  l’on conserve la proposition actuelle présentée par Toulouse Métropole. Pire, l’impréparation et le retard historique de notre métropole en matière de transports en commun risque de susciter une fronde de la part de nos concitoyennes et concitoyens. Mais nous sommes convaincus que si nous suivons nos propositions, nous pourrons réellement inclure l’ensemble des communes de notre territoire, les acteurs économiques, la population, et que cela permettra à la fois d’être bon pour le climat, bon pour la santé, la qualité de l’air, bon pour l’emploi parce que toute cette organisation, y compris sur le plan énergétique, mobilise des emplois nouveaux, et, in fine, bon pour le pouvoir de vivre de nos habitantes et habitants. 

En se séparant de la voiture quand on le peut et en ayant des aides, non pas pour le changement de voiture mais pour le changement de motorisation, moins coûteux, on utilisera des carburants qui sont bien moins chers. Une analyse faite à Grenoble montre que  l’aide au changement de mobilité fait gagner en pouvoir d’achat, que nous préférons appeler « pouvoir de vivre », 8 millions d’euros par an aux habitantes et habitants de leur territoire. 

Nous considérons que la mise en place accompagnée, anticipée et ambitieuse d’une ZFE est une réelle chance pour notre territoire, mais les choix opérés actuellement  par Toulouse Métropole risquent d’en faire une contrainte.

(1) SANTÉ PUBLIQUE FRANCE / Impact de la pollution de l’air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine. Réduction en lien avec le confinement du printemps 2020 et nouvelles données sur le poids total pour la période 2016-2019.

(2)https://www.atmo-nouvelleaquitaine.org/article/les-principaux-polluants-surveilles

(3) Alors que le Plan de Déplacements Urbains (PDU) a été annulé par le tribunal administratif de Toulouse début 2021.

Laisser un commentaire